Ce chapitre interroge la nature marginale des espaces frontaliers. Le caractère marginal des espaces frontaliers est souvent évoqué dans les politiques publiques, mais il n’est que rarement aussi direct et équivoque. Même si ces espaces peuvent abriter des lieux de marginalisation (prostitution, concentration des trafics en tous genres, stationnement de réfugiés alors bloqués à la frontière), ces situations sont loin d’être généralisables. Il ne suffit donc pas pour les définir comme telle. La relation ambiguë entre frontière et marge est traitée à travers de différents cas emblématiques (en France et en Europe). Pour envisager la nature de la marge, une approche multiscalaire est proposée.
Le Luxembourg compte le plus grand nombre de frontalier.e.s de l’UE. Ces dernier.e.s font quotidiennement la navette des pays voisins tels que l’Allemagne, la France, ou la Belgique vers le pays trilingue. Il en résulte des constellations de coopération linguistiques et culturelles riches. L’article examine comment les frontalier.e.s vivent et surmontent le multilinguisme et l’interculturalité dans le pays. Les typologies traitées se basent sur des entretiens, des analyses d’interactions et des enquêtes.
L’auteur explore la question si la migration journalière intensive peut effectivement – tel qu’il est souvent proclamé dans les discours publiques – être considérée comme le signe d’une intégration accrue, ou si elle indique plutôt l’existence d’inégalités socioéconomiques permanentes entre les sous-régions. Pour ce faire, il établit un comparatif entre les visions politiques et les réalités empiriques. Dans le bilan « marché de l’emploi transfrontalier, entre droit et réalité », Christian WILLE souligne la configuration asymétrique de l’emploi. Celle-ci est, d’un côté, mise sur le compte du développement du secteur des services et la position centrale du travail transfrontalier qui lui est liée. D’un autre côté, elle montre comment les régions du nord de la France sont toujours affectées par le changement structurel. Dès lors, il convient de parler d’un décalage régional de l’emploi. Ce caractère hétérogène des conditions générales socio-économiques doit néanmoins être reconnu comme un moteur de l’emploi transfrontalier.
Dans sa contribution « B/Ordering dans la Grande Région : Mobilité – frontières – identités », Christian WILLE remet en question le sentiment d’appartenance pronostiqué des habitant.e.s à l’intersection des quatre frontières dans le cadre des objectifs généraux de la coopération politique régionale. L’auteur étudie « la formation des arrangements ou des configurations de ce qui est familier ou de ce qui est étranger à quelqu’un et dans quelle mesure cette formation peut affirmer qu’il existe bel et bien une identité transfrontalière. » (p.52) et analyse trois caractéristiques principales de la construction identitaire.
Cette recherche vise à comprendre le comportement d’« out-shopping » du consommateur frontalier. L’espace transfrontalier étudié s’étend de la Belgique d’Arlon, en passant par Longwy en France jusqu’au sud luxembourgeois. A partir d’une grille d’analyse basée sur les caractéristiques psychologiques issues de la littérature, plusieurs profils de consommateurs se dégagent à partir d’entretien semi-directif auprès d’un échantillon de 15 consommateurs des 3 pays. Les premiers résultats dévoilent 3 types de profil du consommateur transfrontalier : le consommateur plutôt local, le second plutôt global et enfin, un troisième glocal qui achète aussi bien dans son territoire que ceux plus lointains.
Situé au cœur de la Grande Région, le Luxembourg est une place financière internationale de grande envergure, qui pourrait être considérée comme un « cluster financier ». L’activité du secteur financier contribue directement et indirectement à la croissance économique du Luxembourg et des territoires environnants. En s’appuyant sur l’approche de Porter, cet article montre l’existence d’un lien entre la pendularité transfrontalière et l’attraction de compétences-clefs, dans une logique d’avantage concurrentiel, pour le secteur financier luxembourgeois. Ce constat est corroboré par une analyse descriptive détaillée des travailleurs transfrontaliers et du particularisme du marché du travail et de l’économie du Luxembourg. Toutefois, ces interrelations semblent être impactées par les réformes structurelles du pays catalyseur et les fluctuations économiques, ce qui témoigne d’une liaison « procyclique ».
La recherche transdisciplinaire est un processus transfrontalier qui établit un pont entre la science et la société. Depuis les années 1990, cette nouvelle méthode de recherche est considérée comme une approche pour l’étude du caractère complexe et la production de nouvelles formes de savoir. Cette approche est aussi considérée très prometteuse dans le domaine complexe de la planification et du développement régional étant donné qu’elle répond à la demande d’une participation publique et intègre par son approche transfrontalière plusieurs perspectives et positions différentes. Vilsmaier clarifie le concept et la méthodologie de la recherche transdisciplinaire ainsi que leur valeur ajoutée pour l’aménagement et le développement du territoire en s’appuyant sur l’exemple d’une recherche expérimentale transdisciplinaire sur la planification et le développement régional de la région d'Oberpinzgauer en Autriche.
Cet article de revue universitaire examine les deux écoles de pensée principales opposées qui traitent de la signification des frontières dans la politique contemporaine comme dans la société, notamment ceux qui observent un « un monde sans frontières » sans cesse croissant et ceux qui voient un nouveau sens et de nouveaux contextes pour l’étude des frontières. Ici, les frontières ne sont pas simplement considérées comme des phénomènes situés aux bords des territoires, mais plutôt partout ailleurs dans les pratiques et les discours sociaux. Paasi explique plus particulièrement l’importance de la théorie dans l’étude des frontières et développe de nouvelles perspectives conceptuelles dans le but de comprendre la persistance d’espaces territoriaux délimités.
Les systèmes de gestion des ressources naturelles (GRN) sont caractérisés par des liens complexes entre des processus et des perspectives techniques, éco-sociaux, économiques et politiques. Lors de l’analyse et de la gestion des ressources naturelles, nous nous heurtons à un grand nombre de frontières sociales, disciplinaires, culturelles et techniques, qui peuvent être surmontées par le biais d’un plan de recherche transdisciplinaire et interdisciplinaire. Différents concepts pour la collaboration interdisciplinaire et transdisciplinaire dans les systèmes de GRN existent déjà dans différents domaines de recherches aux États-Unis, en Suisse et en Grande Bretagne. Le concept du « boundary work » fournit une autre approche afin de concevoir la recherche transdisciplinaire et interdisciplinaire pour les systèmes de GRN de manière efficace et de faire le lien entre la science, la politique et la société. Ce type de recherches transdisciplinaires et interdisciplinaires donne naissance à différentes problématiques, illustrées ici par le biais d’un projet de recherche sur les systèmes GRN en Ouzbékistan.
Au sein de la Grande Région Saar-Lor-Lux, le développement du travail frontalier s’est accompagné d’une diversification de ses formes, comme l’intérim transfrontalier. Les entreprises de travail temporaire se sont imposées comme de nouveaux intermédiaires de l’emploi au sein de cet espace transfrontalier, favorisant le développement de formes particulières d’emploi et tirant avantage des différences de législations sociales et fiscales entre pays tout en contribuant à la sélection de la main-d’œuvre frontalière.